TW : v*ol, VSS
Pour les personnes qui ne connaissent pas ce signalement, c’est un marqueur que le contenu est sensible et porte sur les sujets nommés à la suite du TW.

J’ai violé.
J’ai un tas de raisons de l’avoir fait. 
Je n’en ai aucune. 
J’ai probablement été victime, moi-même, d’une autre personne, d’un autre sujet qui m’a rendu objet.
Je suis l’autre, le sujet devenu violeur•se.
En passant à l’acte, j‘ai imposé à ma victime mon besoin d’établir une liaison à mon propre émotionnel et à mon propre pulsionnel.
J’ai besoin de retrouver le chemin vers mon désir. Parce que d’une manière ou d’une autre, il a été anéanti.
J’ai probablement été victime, moi-même, d’une autre personne, d’un autre sujet qui m’a rendu objet.
Je suis l’autre, le sujet devenu violeur•se.
En passant à l’acte, j‘ai imposé à ma victime mon besoin d’établir une liaison à mon propre émotionnel et à mon propre pulsionnel.
J’ai besoin de retrouver le chemin vers mon désir. Parce que d’une manière ou d’une autre, il a été anéanti.
Je le recherche éperdument. Je ne peux pas ne pas le chercher.
Et parce que je ne sais pas comment faire, je prends la voie que je crois être la plus simple.
Je le fais en dehors de moi, à travers une violence que je pense sexuelle. Que l’ensemble de ma société dit être sexuelle. Ne l’est-elle pas ?
Parce que je ne sais pas comment vivre avec cette pulsion meurtrière en moi, parce que coincée à l’intérieur elle me tue, je cherche à dévier, peu importe ce qu’il en coûte, sur qui ou sur quoi, une partie au moins, je cherche à dévier cette énergie de mort hors de moi.
Parce que je ne sais pas comment vivre avec cette pulsion meurtrière en moi, parce que coincée à l’intérieur elle me tue, je cherche à dévier, peu importe ce qu’il en coûte, sur qui ou sur quoi, une partie au moins, je cherche à dévier cette énergie de mort hors de moi.
Parce que j’ai été conditionné•e, parce que j’ai intégré, incorporé que mon rayonnement sur autrui a, non seulement, le droit mais plus encore, ne peut se faire autrement que par violence, domination et oppression sur autrui.
Parce que je ne peux dévier hors de moi une partie de la pulsion de mort qui me constitue sur le plan psychique autrement, j’utilise l’autre. Je le•la désubjective. Je le•la rend objet. Parce que je n’ai pas de ressource pour gérer autrement, j’ai violé.


J’ai rendu autrui dépositaire de la pulsion de mort qui m’habite. Que j’espérais ! Mais ça n’a pas marché. Et c’est la frustration qui m’envahit. La rage. La colère. Immense. 

Ainsi commence le cercle vicieux et vicié qui me conduira, très vraisemblablement, à recommencer.

Quand le berceau de l’émotionnel n’a pas pu être créé à l’intérieur de soi-même, alors il n’y a plus de refoulement possible en soi.
La pulsion de mort éclate à l’extérieur de soi, projetée sur une personne qui en devient victime.

Ainsi Thanatos traverse les corps, de celui de la personne autrice à celui de la personne victime.

La question de la pulsion de mort chez la victime de violence sexuelle est primordiale.

La pulsion de mort se mue en pulsion meurtrière chez les victimes.
Et cette énergie meurtrière est ce qui s’exprime, ce qui perdure dans le traumatisme. Et qu’il reviendra à la personne victime de refouler en soi ou de déflexer hors de soi.

Dans l’acte de viol, le corps de la victime est objectivé. L’individu, le sujet devient l’objet de la violence de l’autre, il est passivé.

C’est l’effroi, ce sang qui se fige

Alors, ce qui relevait quelques instants auparavant de la pulsion de vie, de l’Éros, de l’énergie qui met le sujet en mouvement, la jouissance déplacée au symbolique qui lui permet d’avancer, tout ça est stoppé net.

Mais en moi, la voix n’est pas morte.

Elle a disparu, ou elle se rend invisible. Elle a figé, elle a stasé.
Mais non, elle n’est pas morte.

En moi, ma voix a subi une tentative de meurtre.

Elle a été empreintée ou empruntée.
Peut-être même les deux.

Mais en moi, ma voix n’est pas morte.

Et moi, j’ai subi un viol. 

J’ai mis 6 mois, 12 ou même 240 pour le nommer. Peut-être plus. Parfois beaucoup moins.
Mais aujourd’hui je le fais.
Je le dis.
Haut et fort.
J’ai subi un viol.
Ou plutôt, On m’a violé·e.
Ou… Comment il faut dire déjà ?
Qui a été passivé ? Qui a été actif·ve dans cette situation ?

Qui n’a rien pu dire ? Qui a subi ?
Qui a été traversé sans mot dire, sans pouvoir dire mot ?
Je, sujet, a été violé·e, rendu·e objet par : On, sujet.

Je ne me suis pas fait·e violé·e car Je, sujet, n’a rien voulu de tout cela, n’a rien souhaité, n’a rien consenti.

Je n’ai pas dit oui. Je n’ai pas dit non, non plus c’est vrai.

Je n’ai rien dit.
J’ai crié.
J’ai dit non.
J’ai gémi, sangloté, grogné.
Je me suis débattu·e. J’ai frappé. J’ai fait la morte/j’ai fait le mort.
J’étais mort·e. On m’a tué·e.

Le viol n’est pas un acte sexuel. Le viol n’a rien de sexuel. Ce n’est pas la réalisation de la pulsion de vie créatrice. C’est le meurtre de cette pulsion.

Pour le sujet victime de viol s’établit alors un conflit entre la prétendue raison d’être de l’acte et ce réel pulsionnel destructeur qu’est le viol.

L’acte présumément sexuel ne l’est pas. Il se fait passer pour ce qu’il n’est pas. Il se grime en acte créateur de vie et détruit. Il trahi, trompe, dupe, brouille et embrouille.
Il fait croire que tout se mélange alors que tout reste au bon endroit.
Le viol est un meurtre.

Ainsi se lie la parole et le sang, le viol comme une violence portée au sang et à la parole en même temps. 

Émerge alors le trouble entre le haut et le bas, entre les diaphragmes que sont le larynx et le périnée, entre l’origine et la destinée.

Ainsi, s’entend que le sujet victime de viol est atteint, sur les plans psychique et

corporel, dans son sang et dans sa voix. 

La victime de viol, dont la parole a été meurtrie, est psychiquement privée de sa possibilité de se dire, à travers sa voix intérieure. Parce que son corps est hôte de la violence, elle est comme privé•e de sa possibilité à se rendre acteurice de ses symptômes, de son pouvoir d’agir, d’en « faire quelque chose ».

Il lui reviendra pourtant, pour sortir de l’angoisse qui fait suite à l’effroi, pour sortir du traumatisme qui survient juste après le trauma de réparer, rétablir, reconstruire une nouvelle législation de son désir détruit.

Il reviendra de choisir, selon ce que choisir veut dire et permet, entre reproduire, symptomatiser ou transcender. 


𝗥𝗲𝘀𝘀𝗼𝘂𝗿𝗰𝗲𝘀
« Prendre en charge les agresseurs », Johanna Bedeau et Marie-Laure Ciboulet, in LSD, La série documentaire, France culture
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/prendre-en-charge-les-agresseurs-1760630

« Que faire des hommes violents ? », Charlotte Bienaimé, in Un podcast à soi pour Arte Radio
https://www.arteradio.com/son/61668798/que_faire_des_hommes_violents

« Le viol ou l’autre comme empreinte de soi », Magali Ravit, in Psychologie clinique et projective 2004/1 (n° 10), pages 209 à 227
https://www.cairn.info/revue-psychologie-clinique-et-projective-2004-1-page-209.htm