Le silence est apparenté au vide. Il est souvent interprété comme l’absence de parole, sa rupture d’avec les mots. Alors qu’il n’en est qu’une composante à part entière, illustration parfaite, s’il en est une, de la fécondité du chaos.
Eva ARNAUD (1)
Le silence n’est pas l’absence de parole. Il est le voile qui la masque. Il est la coque qui rend inaccessible. Il met à distance l’autre et soi-même de la possibilité d’être entendu et de s’entendre. Il rend inaudible ce qui devrait se dire. Il rend sourd. Aveugle. Incompréhensible. Inaudible. Il invisibilise, il étouffe. Il nous donne la sensation d’être à bout de souffle…
Hum… Vraiment ? Non. Non, pas tout à fait.
Le silence c’est aussi la respiration. La reprise de souffle. Le temps qu’il faut pour se… rejoindre.
Car, même s’il est vrai que le silence pèse parfois suffisamment lourd pour qu’il nécessite que l’on soit plusieurs à le soulever, le silence n’a pas vocation à être cuirasse entre l’intérieur de soi et le monde. Il n’est que le temps de mise à distance pour rallier au réel.
Il est plus ou moins long, plus ou moins pesant. Mais il a vocation à se lever, toujours, à un moment donné.
Car rien, rien ne résiste à la voix
Eva ARNAUD (2)
Alice l’a d’ailleurs si bien décrit dans son texte “Des mots sur le silence” (3).
Derrière le silence, il ne se passe pas “rien”. Il ne se dit pas “rien”.
Il y a tout un récit, toute une histoire qui, même si elle ne peut être énoncée à haute voix, existe, quand même, envers et contre tout.
On la perçoit, parfois elle devient même presque palpable. Par l’absence du sonore, elle devient visuelle ou kinesthésique. Presque graphique,
La voix telle qu’on l’entend ne se donne pas à voir. Mais elle est là. Enfouie, bien au fond, à l’intérieur. Elle prend la forme d’oiseaux. De mots. De maux d’oiseaux. Ou de toute autre chose.
Elle prend la forme qu’on lui donne. Du moins, elle essaie de s’y tenir. Parce que la voix humaine n’est pas qu’une production vibratoire. C’est l’état qui est le sien lorsqu’elle franchit la porte des plis vocaux (4), lorsqu’elle jaillit fort et clair du larynx. Lorsqu’il est rendu possible de le faire, tout du moins.
La voix qui traverse les plis, c’est la parole. C’est le chant. Il est parlé ou musical. Il se perçoit à l’intérieur et à l’extérieur de soi. C’est l’abouti, l’accompli, le nommé. C’est le signifié, le réalisé, le créé. C’est l’exprimé.
Alors, si la voix se trouve, de gré ou de force, empêchée de nommer les souvenirs, la mémoire, le trauma, l’inconscient, qu’advient-il d’elle ?
Si la voix est astreinte, au contenant duquel elle éclot, au creuset fécond qu’est le larynx, que se produit-il ?
En dehors ou en dedans, la voix a une réalité dynamique qui lui impose le mouvement (5). Elle cherchera toujours à se frayer un chemin.
Comme l’eau qu’on ne peut retenir entre ses mains, la voix ne peut être retenue dans le larynx.
Comme le lait, le sperme, les fluides vaginaux, la moëlle osseuse, le sang… Comme ces fluides que produit le corps, quoique lui en impose le silence, la voix ne peut résister à la nécessité de filer hors du réceptacle dont elle émerge.
C’est ici que je l’imagine répondant à un cycle, le cycle de la Voix : un ensemble de transferts, de changements d’états provoqués par d’infimes variations de pression ou de température comme le proposait Louise Bourgeois dans son œuvre « Precious Liquids » (6).
Je crois que, tout comme l’eau, la voix répond à un cycle, à une dynamique, par nécessité de mouvement. Et que son impossible mouvement dans le corps ne peut pas ne pas se retrouver matérialisé sous une forme. Ou une autre.
Parce que le silence n’est pas l’absence de parole, le cycle de la Voix ne s’interrompt pas.
Je suis Eva Arnaud. Je suis artiste et pédagogue. Et je vous parle de là où je suis, de là où je vibre, de là où je vocalise. Je vous parle de la voix de votre libération.
Notes
(1) Eva ARNAUD « #1 Naissance de La Voix de votre Libération » https://youtu.be/ZsLcpdM6YIY
(2) Eva ARNAUD « #2 Rencontre entre Voix et Sang » https://youtu.be/ebwBwHlkpa8
(3) Alice LEGENDRE x Eva ARNAUD « #4 Des mots sur le silence. Et les oiseaux dans la gorge » https://youtu.be/yphE_50dIMM
(4) ou cordes vocales
(5) Jean-Blaise ROCH. « La voix a-t-elle une forme ? ». In: Les Cahiers du Musée des Confluences. Revue thématique Sciences et Sociétés du Musée des Confluences, tome 10, 2013. Formes. pp. 39-50; doi : https://doi.org/10.3406/mhnly.2013.1601 https://www.persee.fr/doc/mhnly_1966-6845_2013_num_10_1_1601
(6) Louise BOURGEOIS, « Precious liquids », installation artistique réalisée en 1992, dans un réservoir d’eau d’immeuble new-yorkais.